"Sous la pression des professionnels de la construction, le gouvernement a accepté de revoir certaines dispositions de la très disputée RE2020. Cette batterie de futures normes environnementales, qui s’appliqueront aux bâtiments neufs, devait initialement entrer en vigueur au 1er juillet. Voici les éléments sur lesquels l’exécutif a finalement lâché du lest.
Victoire pour les professionnels du logement neuf. Capital vous l’annonçait hier : l’exécutif a accepté de faire quelques concessions sur l’application de la très débattue norme RE2020. Cette nouvelle batterie d’exigences environnementales, qui régira la construction des bâtiments, devait initialement entrer en vigueur à partir du 1er juillet prochain. Or, depuis des semaines, les fédérations de constructeurs et les industriels dénoncent le timing de la mesure. Ces derniers ne s’estiment pas encore prêts à supporter ces nouvelles contraintes, dans un contexte déjà très compliqué, marqué par la chute dramatique du nombre de permis de construire et des ventes de logements neufs. L’un des principaux chocs de cette réglementation étant le surcoût qu’elle induit sur la production de logements. Les services du ministère de la Transition écologique l’estime à environ 3% sur les maisons neuves, quand les bâtisseurs l’évaluent entre 6 et 13%.
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Finalement, l’exécutif a donc choisi de revoir sa copie. Et a officiellement présenté ce jeudi un cahier des charges adouci pour les futures constructions de logements. “Le bâtiment émet le quart des gaz à effet de serre en France. La réglementation est absolument nécessaire pour atteindre nos objectifs climatiques signés lors de l’accord de Paris”, rappelle d’abord la ministre du Logement Emmanuelle Wargon. “Cette réglementation va nous permettre de réduire d’un tiers les émissions de carbone du bâtiment sur les 10 prochaines années”, ajoute-t-elle. Message reçu, donc, mais avec quelques ajustements négociés après “une concertation étroite avec les acteurs du secteur”. On vous décrit ces ajustements ici.
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Les premières normes reportées de six mois
Initialement, l’exécutif espérait décliner ses objectifs de sobriété environnementale dans le logement neuf dès le mois de juillet 2021. “Trop tôt”, lui ont répondu les professionnels du secteur. Les premières normes sont donc finalement reportées au 1er janvier 2022, “afin de laisser les quelques mois nécessaires à la filière pour se préparer et s’approprier la réglementation”, communique le cabinet d’Emmanuelle Wargon. Les premières échéances sont donc décalées… et par ricochet, les jalons suivants également. La RE2020 devait en effet s’enrichir (ou s’alourdir, selon les points de vues) avec des objectifs de réduction des émissions de plus en plus ambitieux en 2024, puis en 2027 et en 2030. Ces échéances ont donc été décalées d’un an, c’est-à-dire en 2025, 2028, et 2031.
Un (léger) assouplissement pour les maisons chauffées au gaz
L’exécutif introduit également un petit assouplissement concernant l’interdiction à venir du chauffage au gaz dans le neuf. Elle concerne plus précisément les lotissements ayant obtenu un permis d’aménager qui prévoit une desserte de gaz. Sur ces lotissements, les permis de construire de maisons individuelles pourront encore être obtenus jusqu’en 2023. “Il s’agit d’une mesure transitoire, et circonscrite”, prend toutefois bien soin de préciser l’exécutif. “L’objectif est d’éviter de faire subir un effet rétroactif à ce type d’aménagements”, ajoute l’entourage de la ministre.
Des fondations et des parkings souterrains exclus du bilan carbone
Les professionnels craignaient également que la RE2020 n’handicape les constructions nécessitant des “fondations spéciales”, liées à des contraintes géotechniques, ou nécessitant des parkings souterrains. Certaines communes exigent en effet ce type d’aménagement dans leur plan local d’urbanisme. Pour ces constructions particulières, pour lesquelles une dalle de béton est bien souvent nécessaire, le seuil réglementaire d’émission de carbone risquait d’exploser. “Le poids carbone des infrastructures ne sera pas compté”, explique le ministère. “Nous estimons que ces dépassements ne sont pas le fruit de choix du maître d’ouvrage. On ne peut donc pas le pénaliser pour ça”, justifie le cabinet d’Emmanuelle Wargon.
Un “observatoire” pour ajuster les objectifs
Dernier détail important concédé par l'exécutif : un “observatoire” de la RE2020 sera mis en place, en accord avec les principales fédérations de la construction. Son objectif : vérifier que les ambitions de la RE2020 sont “réalistes”, en estimant notamment les surcoûts qui impacteront immanquablement les constructeurs. “Les bailleurs sociaux partagent les ambitions environnementales de la norme RE2020. Mais nous avons un doute majeur : sera-t-on capable financièrement de la tenir, alors que nous avons aussi l’ambition de construire plus de logements très sociaux ?”, s’inquiète Emmanuelle Cosse, la présidente de l'Union sociale pour l'habitat (USH). L’observatoire permettra de “suivre le déploiement et les impacts de la réglementation, et procéder [...] à d’éventuels ajustements sur les sujets qui le nécessiteront”, veut rassurer le ministère."
ANTOINE LAURENT Publié le 18/02/2021 à 15h46 Mis à jour le 18/02/2021 à 21h36
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